Le Pays du Dauphin Vert- Elizabeth Goudge
Editions Phébus - 800 pages.
Nous sommes au XIXe siècle dans une bourgade des îles Anglo-Normandes. La famille du jeune William emménage rue du Dauphin Vert. L'adolescent se lie à ses deux voisines, la jolie et souriante Marguerite, et la grave Marianne, plus ingrate. On rêve, on rit, on pleure, et l'on se moque de ce benêt de William qui, malgré sa préférence marquée pour Marguerite, ne peut s'empêcher de mélanger les prénoms des deux soeurs. Un détail idiot qui va bouleverser le cours de trois existences...
William s'établit comme colon en Nouvelle-Zélande, toujours épris de son amoureuse d'hier. Prenant un jour son courage à deux mains, il demande par lettre la main de Marguerite. Quelques mois plus tard, il a la surprise de sa vie : c'est Marianne qui débarque du bateau...
Elizabeth Goudge a écrit Le Pays du Dauphin Vert en 1936.
Le récit se déroule au milieu du XIXème siècle, dans une île anglo-normande.
Marianne et Marguerite Le Patourel sont deux soeurs bien différentes. Marguerite, la plus jeune, a une grâce toute naturelle. Elle est gaie. Pour elle, la vie est source de réjouissance. Marianne, l'aînée, est plus grave que sa soeur, et d'un caractère plus complexe. Elle est à la fois intelligente, réservée, avide de vivre et de resentir des émotions fortes, égoïste, prétentieuse, déterminée, rien ni personne ne peuvent la détournée de l'objectif qu'elle s'est fixée, manipulatrice.
Le Docteur Ozanne et son fils William reviennent vivre sur l'île. Se tissent alors à jamais des liens entre les trois jeunes gens.
Marguerite aime William. Marianne aime William. Chacune est persuadée d'être aimée par William. Or, le coeur de William bât pour Marguerite.
Mais bientôt William part et se retrouve exilé en Nouvelle-Zélande. C'est dans une lettre qu'il demande à sa bien-aimée de le rejoindre dans ce nouveau monde.
Or, la jeune femme qui arrive pour être sa femme, n'est pas Marguerite, mais Marianne...
Elizabeth Goudge nous livre ici un roman qu'il faut découvrir en prenant son temps. Déjà, l'oeuvre est volumineuse, 800 pages... L'étude des caractères, des personnalités est très approfondie, fouillée. L'écriture est poétique, emportée dans des descriptions détaillées des paysages grandioses, qu'il faut savourer.
Avec le Pays du Dauphin Vert, on respire l'odeur des embruns, on sent le souffle du vent dans les cheveux. Elizabeth Goudge nous transporte tout au long de son récit dans une autre époque. Elle nous fait voyager et découvrir le monde de la navigation, des marins. On part à la découverte d'une nouvelle terre d'accueil, du peuple maori et de leurs coutumes, de la vie des colons. La romance, les amours mouvementées sont au rendez-vous, contrariées par l'étourderie de l'homme. La main du destin mène les êtres. La religion, les croyances, la spiritualité ont une part importante dans cet ouvrage.
Extraits :
- "Les gais habits de fête, dont quelques-uns, depuis des générations, allaient de père en fils et de mère en fille, pieusement conservés dans al vieille armoire sculptée que toute jeune mariée apportait à son foyer avec sonlinge, les maisons centenaires aux couleurs blanches et dorées, avec leur petit pont jeté sur el ruisseau chantant, le soleil, les fleures, le ciel bleu lumineux là-haut et, tout près, le bois frais et vert rempli de murmures - l'ensemble dégageait une beauté brillante et vivifiante, qui évoquait celle d'une bulle de savon irisée." (page 167).
- "Mais elle savait aussi que ce que le monde voit de la vie de tout être humain n'est pas la vraie vie ; qu'en réalité, la vie est vécue en secret : c'est une réalité qui sse meut derrière l'écran d'une apparence, comme le vent derrière un rideau. C'est seulement lorsqu'une ride se creuse fortuitement, lorsqu'un sourire, une lueur ou une ombre passent d'une façon imprévue sur un visage qu'on devine ce qu'on ne voit pas." (page 267).
- "Il la prit dans ses bras et l'embrassa. Elle ne se débattit pas, parce que son étreinte était exempte de passion. Elle s'appuyait tranquillement sur lui. Elle resentit soudain une étrange impression de confiante familiarité, comme si ce n'était pas la première fois qu'elle et lui se tenaient ainsi par une nuit d'été, cependant que le vent tiède faisait luire les étoiles ; il lui semblait que s'il la connaissait si bien, c'était parce qu'il l'avait déjà rencontrée sous d'autres étoiles. Quand il retira ses bras pour s'en aller, elle eut subitement la sensation d'un affreux isolement ; d'un grand déchirement aussi, comme si une partie d'elle-même l'abandonnait." (page 555).
Le pays du Dauphin Vert est un roman fort riche. J'ai été séduite par ces descriptions époustouflantes, par ces personnages dont le caractère et l'histoire de chacun nous est brillament révélé, par l'écriture d'Elizabeth Goudge qui a su me faire voyager.
Tous les composants sont réunis dans cette fresque romanesque envoutante : la beauté des paysages, l'aventure, le danger, l'amour...
Je m'attarderais très certainement sur les autres ouvrages de cet auteure qui me mènera vraissemblablement à travers d'autres voyages.
Je dois aussi ajouter qu'en 1947, Victor Saville a réalisé une adaptation du roman d'Elizabeth Goudge Le Pays du Dauphin Vert, avec Lana Turner, Van Heflin, Donna Reed...
Le Pays du Dauphin Vert d'Elizabeth Goudge a été lu dans le cadre du Défi de lecture "Le Nom de la Rose"