Harraga - Boualem Sansal
Gallimard - 320 pages.
Une maison que le temps ronge comme à regret. Des fantômes et de vieux souvenirs que l'on voit apparaître et disparaître. Une ville erratique qui se déglingue par ennui, par laisser-aller, par peur de la vie. Un quartier, Rampe Valée, qui semble ne plus avoir de raison d'être. Et partout dans les rues houleuses d'Alger des islamistes, des gouvernants prêts à tout, et des lâches qui les soutiennent au péril de leur âme. Des hommes surtout, les femmes n'ayant pas le droit d'avoir de sentiment ni de se promener. Des jeunes, absents jusqu'à l'insolence, qui rêvent, dos au murs, de la Terre promise. C'est l'univers excessif et affreusement banal dans lequel vit Lamia, avec pour quotidien solitude et folie douce. Mais voilà qu'une jeune écervelée, arrivée d'un autre monde, vient frapper à sa porte. Elle dit s'appeler Chérifa, s'installe, sème la pagaille et bon gré mal gré va lui donner à penser, à se rebeller, à aimer, à croire en cette vie que Lamia avait fini par oublier et haïr.
A Alger, Lamia, vieille-fille de 35 ans, vit cloitrée dans sa maison comme dans ses traditions en compagnie de ses fantômes et de sa solitude. Elle voit un jour son quotidien bouleversé par l'arrivée de Charifa, véritable tourbillon au ventre rebondi...
Boualem Sansal nous offre avec Harraga un roman engagé sur l'islam, sur les problèmes politiques et sociaux de l'Algérie. L'Algérie est présentée ici comme un pays en délabrement, où chacun vit dans la peur et la méfiance. Un pays dans lequel mieux vaut naître homme. Un pays qui se vide, qui se fuit.
Dans cet islam, être une femme libre et indépendante est la pire des engeances.
Extraits :
"Le jour même, j'ai tout compris de l'économie arabo-islamique : au boulot comme au foyer les hommes causent, les femmes bossent, et il n'y a de repos dominical pour personne." (page 48).
"La culture est le salut mais aussi ce qui sépare le mieux." (page 175).
"Rien de nouveau, le pays continue de se vider comme une baignoire trouée. Tant qu'il y a de la vie, il y aura des morts et des disparus. Selon les statistiques, le problème des filles est différent de celui des garçons mais pas moins sérieux. Elles s'évaporent à l'intérieur du pays, ils se volatisent à l'extérieur." (page 191).
Harraga de Boualem Sansal est un roman engagé, sur le détournement de l'islam par les hommes, sur une population qui souffre de mal-être.
Merci à Emmyne de faire voyager Harraga de Boualam Sansal. Elle m'a permis de découvrir ce roman qui ne serait jamais passé entre mes mains en d'autres circonstances.
Les avis de Lune de Pluie, Laurence, Ys, Virginie, Yohan.