La Fausse Veuve- Florence Ben Sadoun
Denoël - 107 pages.
"Aujourd'hui je suis plus vieille que toi alors que j'avais neuf ans de moins que vous..." Ainsi commence La Fausse Veuve. Tutoyant et vouvoyant dans la même phrase son amant disparu, l'héroïne lui raconte, et nous raconte, dix ans après, l'histoire qui leur a été volée. Ce que furent leur amour, leurs moments de bonheur, et aussi le désespoir, leurs muets tête-à-tête à l'hôpital quand, victime d'un grave accident cérébral, il s'écroule, et se réveille paralysé et privé de parole. Face au drame du "locked-in syndrome", face à la destinée légendaire d'un personnage que les médias se sont approprié, une femme n'oublie pas qu'il était un homme. Comment se parler d'un souffle ? Comment s'aimer sans se toucher ? Comment lire les battements d'un coeur au rythme d'un battement de paupières ? C'est ce chemin escarpé, compliqué, et parfois très éloigné du deuil, qu'on suit dans ce roman en s'arrêtant sur les cases de l'enfance, en reculant sur celles de l'amour et de la religion, et en sautant à pieds joints sur celle de la mort comme au jeu de la marelle.
La Fausse Veuve de Florence Ben est court roman d'une centaine de pages, écrit d'une manière extrêmement poétique, sur du beau papier bien épais. Un beau livre agréable à toucher, agréable à sentir.
Il s'agit là d'une histoire poignante d'une femme qui a vécu une histoire d'amour douloureuse. Ce livre est un accouchement de la douleur. La douleur d'avoir été la maîtresse d'un homme marié à sa femme légitime. La douleur d'aimer cet homme devenu tétraplégique. La douleur de l'impuissance. La douleur de la mort de cet homme. La vie qui est plus forte que la mort.
Tout cela nous est révélé avec beaucoup de poésie. J'ai aimé la façon dont l'auteur joue avec les mots, avec les sens. On respire avec elle, on sent avec elle.
Elle nous surprend en employant à la fois le vouvoiement et le tutoiement, mais cela n'a en rien gêné ma lecture. Cela donne une certaine hauteur à leur relation hors du commun, à leur intimité.
L'héroïne replonge dans son passé. Son histoire d'enfant. Son histoire de maîtresse. Son histoire de fausse veuve, qui n'a pas sa place. Son histoire de femme vivante. Une histoire douloureuse.
Extrait :
"Vous êtes mort trois fois : le soir de l'accident vasculaire cérébral où ton corps s'est arrêté net, l'après-midi de ta mort où ta tête a suivi l'arrêt du coeur, et enfin cette fameuse nuit noire où votre esprit s'est dissous quand j'ai eu l'intime conviction que les mains de l'homme qui me caressait avaient tenu votre cerveau entre leurs paumes." (page 12).
La Fausse Veuve de Florence Ben Sadoun est un roman à la fois poignant et sensuel. Une histoire d'amour hors du commun. Une histoire de souffrance.
Je remercie
&
de m'avoir permis de découvrir ce roman.